En Ukraine, un remaniement ministériel hanté par la corruption
La Libre Belgique ,18 Juillet 2025
“Si vous regardez le profil des personnes qui quittent le gouvernement, ce remaniement consiste surtout à limiter les dégâts”, estime le politologue ukrainien Petro Burkovskyi, directeur exécutif du centre de réflexion Democratic Initiatives Foundation. “Deux des ministres concernés sont officiellement accusés de corruption ou de prise illégale d’intérêt. Le Bureau national ukrainien de lutte contre la corruption a ouvert une enquête à l’encontre de Roustem Oumierov au début de l’année pour abus de pouvoir présumé. Le lanceur d’alerte Vitaliy Shabunin, figure majeure de la lutte anti-corruption en Ukraine qui avait dénoncé les actions de M. Oumierov, fait depuis lors l’objet d’une enquête menée par le département d’État et risque jusqu’à dix ans de prison.”
“Zelensky me rappelle Koutchma”
“Je ne suis pas certain que nommer une personne accusée de corruption au poste d’ambassadrice auprès de notre allié le plus déterminant soit une excellente idée, commente Petro Burkovskyi. Donald Trump avait déjà qualifié le gouvernement ukrainien de ‘plus corrompu au monde’. C’est évidemment faux, mais cette nomination ne va pas améliorer notre image.”
“Yulia Svyrydenko est peut-être une bonne professionnelle et une bonne diplomate, concède-t-il. Mais elle ne sera pas indépendante, elle fera ce que le Président lui demandera et ne pourra pas s’opposer à d’éventuelles mauvaises propositions de sa part. Rien de tout cela ne nous aidera à gagner la guerre.”
Selon le politologue, particulièrement critique mais porteur d’une préoccupation partagée par de nombreux Ukrainiens, “très peu de progrès ont été faits en matière de lutte contre la corruption. La plupart des agences censées garantir le respect de la loi sont de plus en plus inféodées au Président, qui aurait dû licencier les représentants accusés de corruption bien avant de faire face à la pression médiatique et populaire. Quand on voit Volodymyr Zelensky, on a un peu le sentiment d’être revenu au temps de Leonid Koutchma (Premier ministre puis président de l’Ukraine, peu après la chute de l’URSS, NdlR). Tous deux viennent de la même province et partagent manifestement la même culture politique.”
Un équilibre délicat entre critique et soutien
Toujours est-il qu’en temps de guerre, la position des journalistes, chercheurs, activistes et représentants de la société civile ukrainienne critiques du pouvoir, est délicate. Tous sont tiraillés entre le nécessaire devoir d’unité et le soutien d’un président reconnu de l’avis général comme “l’homme de la situation”, et la lutte nécessaire contre la corruption qui touche le pays. “J’ai toujours envie de dire à nos alliés européens : ‘Nous ne sommes pas fondamentalement plus corrompus que vous.’ Prenez des mesures, exigez du Président que les personnalités corrompues soient écartées, interdisezleur l’accès au sol européen, mais ne diminuez pas votre soutien. Donald Trump est un homme de transactions, il fermera les yeux pour un bon deal, mais vous, vous pouvez nous aider à combattre cela tout en nous aidant à vaincre la Russie.”